• Sextorsion : le racket numérique

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    La sextorsion (terme né de la contraction de « sexe » et « extorsion »), ou encore « chantage à la webcam », peut se se définir comme le fait de soutirer de l’argent ou des images à connotation érotique ou pornographique à autrui, sous la menace d’une diffusion d’informations, de photos ou de vidéos personnelles.Dans tous lescas, le sexe est utilisé pour un chantage.

    La sextorsion appartient à la famille des « arnaques à la nigériane », c’est-à-dire des escroqueries par l’intermédiaire de messageries électroniques, abusant crédulité des internautes et dont le but est d’obtenir del’argent ou des données personnelles. Les auteurs de ces abus sont souvent situés en Afrique de l’Ouest (Bénin, Côte d’Ivoire ou Nigeria) et se font appeler « brouteurs ». Les victimes, elles sont désignées sous le terme de « mugu » (pigeon).

    La grande majorité des victimes de sextorsion sont des hommes.

    Mode opératoire

    Tout d’abord, l’escroc récupère sur Internet des séquences filmées (présentant en général un strip-tease), ayant pour décor une chambre ou un appartement standard.

    Ensuite, l’arnaque se déroule en deux étapes.

    En premier lieu, la victime est contactée par le biais d’un site de rencontre ou de réseaux sociaux. L’escroc se fait passer pour une femme et propose une discussion intime sur une messagerie instantanée (type Skype), puis un déshabillage de webcam à webcam. Pour mettre en confiance son interlocuteur, l’escroc diffuse l’extrait préalablement volé à la place de l’enregistrement de sa propre webcam, faisant ainsi croire que les images vues par la victime montrent ce qui se passe au domicile de l’arnaqueur. Le prétexte d’un problème de son de la webcam est donné pour tromper la victime. Lorsque la victime montre des parties de son corps ou effectue certains actes, l’escroc sauvegarde ces images, puis met rapidement fin à la conversation.

    En second lieu, l’internaute reçoit des menaces, bien souvent par E-mail. L’escroc demande l’envoi d’argent par mandat cash, c’est-à-dire transfert de fonds par le biais des services postaux (Western Union ou Moneygram), sous peine de diffuser les images compromettantes qu’il a enregistré. Or, même si la somme demandée est versée, la vidéo est habituellement publiée sur le Net, et se retrouve référencée sur les moteurs de recherche, dont Google.L’extorsion va de quelques dizaines à plusieurs milliers d’euros.

    Si la victime ne coopère pas, de faux mails et documents de la police ou de la justice peuvent aussi être envoyés (par le biais d’adresses de messagerie en yahoo, gmail ou hotmail), avec demande de paiement d’amende.

    Afin de pousser la victime à céder au chantage, l’escroc peut mentionner la pédopornographie dans le titre de la vidéo qui sera diffusée. De plus, si les coordonnées Facebook de l’internaute sont connues, menace peut être faite de prévenir les proches.

    Il existe une variante de cette sextorsion « à la nigérienne », présente notamment au Canada, aux États-Unis et dans les pays hispaniques. Les racketteurs utilisent des malwares pour récolter des informations personnelles et pousser les victimes (des femmes pour la plupart) à se dévêtir devant leur webcam, sous peine de diffuser ces données sur Internet ou à leurs proches. Un Américain a ainsi été condamné à 6 ans de prison en 2011. Les images ou vidéos intimes ne sont pas utilisées pour soutirer de l’argent, mais sont extorquées aux victimes.

    Profil des escrocs

    Les escrocs sont en grande majorité localisés en Côte d’Ivoire, pour les victimes francophones,et opèrent depuis des cybercafés, ce qui complexifie leur traçage par les forces de police.

    Conséquences

    Cette escroquerie se fonde sur la peur et la honte. La victime craint souvent de passer aux yeux du monde et de ses proches pour un « pervers ». Du fait du caractère intime de l’extorsion, la situation n’est donc pas dénoncée.Cette inquiétude peut se transformer en angoisse, et entraîner une dépression, voire un suicide, comme ce fut le cas pour deux adolescents français en 2012.

    Les conséquences, en cas de diffusion de la vidéo peuvent aussi être professionnelles et sociales, car le référencement sur les moteurs de recherche peut amener n’importe qui à tomber sur ces images.

    En France, 2000 plaintes en ligne ont été enregistrées en 2012, contre 600 en 2011. Cette augmentation peut être liée à la sensibilisation des victimes sur la nécessité de porter plainte, mais peut aussi prouver une augmentation de cette pratique, cette dernière étant plus courante que ne l’indiquent ces chiffres.

    Solutions

    Tout d’abord,la prévention est la principale réponse à la sextorsion. Il est donc conseillé de ne pas entreprendre devant un inconnu des actes présentant un caractère érotique ou pornographique, si on ne souhaite pas les voir publiés par la suite. De plus, des menaces soi-disant officielles, dans des messages comprenant en général des fautes d’orthographe et exigeant l’utilisation de mandats postaux, prouvent l’existence d’une arnaque.

    Ensuite, il serait recommandé de porter plainte pour escroquerie en France, ou pour chantage en Côte d’Ivoire. La première infraction est définie à l’article 313-1 du Code pénal comme « le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

    L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375000 euros d’amende. »

    La seconde est décrite à l’article 412 du Code pénal dans les termes suivants :

     est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs quiconque, à l’aide de menace écrite ou orale, de révélations ou d’imputations diffamatoires concernant la victime elle-même ou un de ses proches, exige de celle-ci l’exécution de l’une des obligations visées aux premier et deuxième paragraphes du premier alinéa de l’article précédent.

    Les peines sont portées au double si le coupable :

    1. exerce habituellement une telle activité ou s’il abuse, pour l’exercer, des renseignements ou de la situation que lui fournit sa profession ;
    2. exerce son activité délictueuse au détriment de mineurs ou de personnes incapables de discernement ;
    3. conduit sa victime, par ces procédés ou leur répétition, à la ruine ou au suicide. »

    Toutefois, l’enquête qui suivra aura peu de chances d’aboutir.En effet, les adresses IP utilisées correspondent souvent à des cybercafés, et ne permettent pas d’identifier précisément l’auteur des faits. De même, l’escroc peut utiliser un proxy pour effacer ses traces.

    Il est indispensable, dans tous les cas, de ne pas répondre aux menaces et de ne pas payer. Si possible, la victime doit clôturer le compte de messagerie qu’elle a utilisé et prévenir son entourage. Dans le cas d’une variante de la sextorsion, il est aussi nécessaire de vérifier que son ordinateur ne contient pas de malwares.

    Il est également possible d’avoir recours aux services payants d’un « nettoyeur du Net », à savoir un professionnel de l’E-réputation pouvant offrir une assistance juridique, entamer des négociations ou encore agir sur le référencement des moteurs de recherche.

    http://www.droitnumerique-sorbonne.fr

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